Chapitre 4 - Suites numériques
- Savoir mener un raisonnement par récurrence
- Utiliser un algorithme pour déterminer le rang d'un dépassement de seuil
- Démonstration : une suite minorée par une suite tendant vers \(+\infty\) tend vers \(+\infty\)
- Etudier la limite d'une somme, d'un produit ou d'un quotient de suites
- Déterminer la limite (éventuelle) d'une suite géométrique
- Démonstration : Si \(q \gt 1\), la suite géométrique \((q^n)_{n\in \mathbb{N}}\) tend vers \(+\infty\)
- Utiliser le théorème de convergence des suites croissantes majorées
IRaisonnement par récurrence
1L'exemple des dominos
Nous savons d'expérience que si nous alignons des dominos suffisamment rapprochés, tous tomberont.
Un raisonnement par récurrence démontre parfaitement ce résultat, et repose sur seulement 3 petites étapes de raisonnement (même si on a posé \(10\), \(100\), \(1000\) ou \(n\) dominos !) :
- L'initialisation : Le premier domino tombe
- L'hérédité : Si un domino tombe, alors le suivant tombe
- La conclusion : Si les deux étapes précédentes sont vérifiée, on peut conclure que tous les dominos tomberont

- Si il n'y a pas d'initialisation, ici, c'est qu'on ne pousse pas le premier dominos : aucun résultat
- Si il n'y a pas d'hérédité, ici, c'est qu'il y a deux dominos trop espacés : la chute s'arrête.

2Etapes du raisonnement par récurrence
Un raisonnement par récurrence est un raisonnement logique dont l'objectif est de démontrer une propriété \(P_n\) qui se répète avec une certaine hérédité pour tout \(n\) entier.
Un raisonnement par récurrence est divisé en trois parties qu'il faudra démontrer en utilisant les hypothèses de l'énoncé (la conclusion est directe quand on a les deux premières).
-
Initialisation : On vérifie que la propriété \(P_0\) est vraie. C'est le point de départ. Dans le cas des dominos \(P_0\) correspondait à "le premier domino est poussé"
-
Hérédité : C'est l'étape la plus importante. Il faut prouver que si \(P_n\) est vraie, alors \(P_{n+1}\) sera vraie également (c.à.d. : \(P_n \rightarrow P_{n+1}\)).
Dans l'exemple des dominos (qui n'est pas un problème mathématique), cette étape correspondrait à justifier que la distance entre le \(n\)-ième domino et le \((n+1)\)-ième est suffisamment petite pour que la chute du premier entraîne la chute du deuxième. -
Conclusion : Cette étape est directe quand on a prouvé les deux précédentes : on peut directement conclure que \(P_n\) est vraie pour tout \(n\in\mathbb{N}\) Dans l'exemple des dominos, on conclut à la chute de tous les dominos.
3Exemples pratiques
AEncadrement d'une suite
Soit \((u_n)\) une suite définie par \(u_0 = 1\) et \(u_{n+1} = \sqrt{2 + u_n}\) pour tout \(n \in \mathbb{N}\).
Démontrer par récurrence que pour tout \(n \in \mathbb{N}\), \(0 \lt u_n \lt 2\).
Soit \(n\in \mathbb{N}\) : on note \(P_n\) la propriété \(0 \lt u_n \lt 2\).
Preuve par récurrence :
-
Initialisation : Démontrons que \(P_0\) est vraie :
$$ \begin{array}{lll} P_0 \text{ : } & 0 \lt u_0 \lt 2 \\ & 0 \lt \sqrt{2 + 1} \lt 2 \\ & 0 \lt \sqrt{3} \lt 2 \\ \end{array} $$ Ce qui est vrai. -
Hérédité :
On suppose que \(P_n\) est vraie. L'objectif est de montrer \(P_{n+1}\), c'est à dire que \(0 \lt u_{n+1} \lt 2\).
On part de la définition de \(u_{n+1}\) : $$ u_{n+1} = \sqrt{2 + u_n} $$ D'après \(P_n\), on sait que \(u_n \lt 2\), et donc comme la fonction racine est croissante : $$ u_{n+1} \lt \sqrt{2 + 2} = \sqrt{4} = 2 $$ De plus, comme la racine carré est positive, on a \(0 \lt u_{n+1}\). Et donc, on a prouvé \(P_{n+1}\) : $$ 0 \lt u_{n+1} \lt 2 $$
- Conclusion : On peut conclure que \(P_n\) est vraie pour tout \(n\in\mathbb{N}\)
BComparaison de deux suites avec paramètre
Soit \(x \gt 0\). Démontrer par récurrence que pour tout \(x \in \mathbb{R}\) : $$ (1+x)^n \geq 1 + nx $$
Soit \(n\in \mathbb{N}\) : on note \(P_n\) la propriété \((1+x)^n \geq 1 + nx\).
Preuve par récurrence :
-
Initialisation : Démontrons que \(P_0\) est vraie :
$$ \begin{array}{ll} & (1+x)^0 \geq 1 + 0\times x \\ \Leftrightarrow & 1 \geq 1 \\ \end{array} $$ Ce qui est vrai. -
Hérédité :
On suppose que \(P_n\) est vraie. L'objectif est de montrer \(P_{n+1}\), c'est à dire que \((1+x)^{n+1} \geq 1 + (n+1)x\).
On part du membre gauche de l'inégalité et tentons d'utiliser l'hypothèse \(P_n\) : $$ \begin{array}{llll} (1+x)^{n+1} & = & (1+x)^{n} \times (1+x) & \\ &\geq & (1+nx)(1+x) & \text{d'après } P_n \text{ et parce que } 1+x \gt 0 \\ &= & 1+x + nx + nx^2 & \\ &= & 1+ (n+1)x + nx^2 & \\ (1+x)^{n+1} &\geq & 1+ (n+1)x & \text{ car } nx^2 \gt 0 \\ \end{array} $$ Ce qui prouve bien \(P_{n+1}\)
- Conclusion : On peut conclure que \(P_n\) est vraie pour tout \(n\in\mathbb{N}\)
CSomme des termes d'une suite arithmétique
DSomme des termes d'une suite géométrique
IILimite d'une suite
1Limite finie
2Limite infinie
IIIComparaisons de limites
1Minoration / Majoration (limites infinies)
Soient \((u_n)\) et \((v_n)\) deux suites vérifiant :
- \(u_n \geq v_n\) pour tout \(n\) à partir d'un certain rang \(n_0\).
- \(\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} u_n = +\infty\)
2"Théorème des gendarmes" (limites finies)
- \(u_n \leq v_n \leq w_n\) à partie d'un certain rang \(n_0\)
- \(u_n\) et \(w_n\) ont la même limite finie \(\mathcal{l}\).
IVOpérations sur les limites
ASomme de limites
BProduit de limites
\( \begin{array}{ll} & \hspace{-1em}\lim u_n \\ \lim v_n & \end{array} \) | \( \mathcal{l} \gt 0 \) | \( \mathcal{l} \lt 0 \) | \( \mathcal{l} = 0 \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) |
\( \mathcal{l}' \gt 0 \) | \( \mathcal{l} \times \mathcal{l}' \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) | ||
\( \mathcal{l}' \lt 0 \) | \( -\infty \) | \( +\infty \) | |||
\( \mathcal{l}'=0 \) | \( ? \) | \( ? \) | |||
\( +\infty \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) | \( ? \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) |
\( -\infty \) | \( -\infty \) | \( +\infty \) | \( ? \) | \( -\infty \) | \( +\infty \) |
CQuotient de limites
\( \begin{array}{ll} & \hspace{-1em}\lim u_n \\ \lim v_n & \end{array} \) | \( \mathcal{l} \gt 0 \) | \( \mathcal{l} \lt 0 \) | \( \mathcal{l} = 0 \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) |
\( \mathcal{l}' \gt 0 \) | \( \frac{\mathcal{l}}{\mathcal{l}'} \) | \( +\infty \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) | |
\( \mathcal{l}' \lt 0 \) | \( -\infty \) | \( -\infty \) | \( +\infty \) | ||
\( \mathcal{l}'=0^+ \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) | \( 0 \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) |
\( \mathcal{l}'=0^- \) | \( -\infty \) | \( +\infty \) | \( -\infty \) | \( +\infty \) | |
\( +\infty \) | \( 0^+ \) | \( 0^- \) | \( 0 \) | \( ? \) | |
\( -\infty \) | \( 0^- \) | \( 0^+ \) | \( 0 \) |
DFormes indéterminées
VLimite de \(q^n\)
Notation :
Comme \(q \gt 1\), on notera parfois \(q = 1 + a \) où \(a \gt 0\).Stratégie :
La démonstration se fait en deux temps :- On démontrera par récurrence que \(q^n \geq 1 + n a\)
- En utilisant le théorème de minoration, on utilisera ce résultat pour conclure
Démonstration par récurrence :
Cette démonstration a déjà été faite dans la partie I.3.B. avec \(x = a\) et donc \(1+x = q\).Conclusion
On applique le théorème de minorations avec :- \(u_n = 1 + n a\) et \(v_n = q^n\)
- On sait maintenant que \(u_n leq v_n\)
- On sait que \(\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} u_n = +\infty \)
Notation :
Comme \(q \gt 1\), on notera parfois \(q = 1 + a \) où \(a \gt 0\).Stratégie :
On souhaite se ramener au cas précédent par une intuition simple : si \(q\) est "grand", \(\frac{1}{q}\) est "petit", et une puissance devient encore plus "petite"...Démonstration :
Soit \(p = \frac{1}{q}\). Comme \(q \lt 0\), alors \(p \gt 1\).
On remarque que \(q^n = (\frac{1}{p})^n = \frac{1}{p^n}\)
D'après le théorème précédent, on sait que \(\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} p^n = +\infty \)
On connaît la limite de \(q^n\) par le théorème du quotient de deux limites : \begin{array}{llll} \lim\limits_{n \rightarrow +\infty} q^n & = \lim\limits_{n \rightarrow +\infty} \frac{1}{p^n} \\ & = 0 \\ \end{array}
Stratégie :
On encadre \(q^n\) par deux suites qui tendent vers \(0\) et on utilise le théorème du gendarme :Démonstration :
On sait que \(-|q|^n\leq q^n \leq |q|^n\), et on veut vérifier les hypothèses du théorème des gendarmes :- \(|q| \in [0;1[\) et donc \(\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} |q|^n = 0\) d'après le théorème précédent
- Ainsi \(\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} -|q|^n = -0 = 0\)
- Donc d'après le théorème des gendarmes, \(\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} q^n = 0\)
- Si \(q = 1\), alors \(q^n = 1\) pour tout \(n\), donc sa limite est évidemment \(1\)
- Si \(q \leq -1\), alors la suite \(q^n\) n'admet pas de limite
- La suite géométrique de 1er terme 1000 et de raison \(\frac{1}{2}\) tend vers \(0\) car son terme général est \(u_n = 1000 \times \frac{1}{2^n}\)
- La suite géométrique de 1er terme 2 et de raison \(\sqrt{2}\) tend vers \(+\infty\) car son terme général est \(v_n = 2 \times {2}^n\)
- La suite géométrique de 1er terme 1 et de raison \(-2\) n'admet pas de limite car son terme général est \(w_n = {(-2)}^n\)
VISuites Monotones
- On dit qu'un suite \((u_n)\) est majorée si il existe un majorant \(M\in \mathbb{R}\) tel que \(u_n \leq M\) pour tout \(n\in\mathbb{N}\)
- On dit qu'un suite \((u_n)\) est minorée si il existe un minorant \(m\in \mathbb{R}\) tel que \(m \leq u_n\) pour tout \(n\in\mathbb{N}\)
- On dit qu'un suite \((u_n)\) est bornée si elle est majorée et minorée
- On dit qu'un suite \((u_n)\) est convergente si elle a une limite finie
- Toute suite croissante et majorée est convergente
- Toute suite décroissante et minorée est convergente
- Toute suite croissante non majorée tend vers \(+\infty\)
- Toute suite décroissante non minorée tend vers \(-\infty\)
Stratégie :
On va supposer qu'une suite vérifie les deux hypothèses (croissante, non majorée), et vérifier la définition de la limite infinie :Démonstration :
Soit \(u_n\) une suite non majorée : quelque soit le réel \(A\) choisi, il existera un entier \(N\) tel que \(u_N \gt A\).
Autrement dit, pour tout intervalle ouvert de la forme \(]A;+\infty[\), on trouve un indice \(N\) tel que \(u_N \in ]A;+\infty[\)
Et comme la suite est croissante, pour tous les indices \(n\) au dela de \(N\), tous les indices seront aussi dans l'intervalle.
Conclusion
On a démontré que la définition était vraie et donc que \((u_n)\) tend vers \(+\infty\)VIISuites numériques et fonctions continues
Soit \((u_n)\) une suite définie par la formule de récurrence \(u_{n+1} = f (u_n)\) et \(u_0 \in I\) le terme initial
Si \((u_n)\) a une limite finie \(\mathcal{l}\), alors \(f (\mathcal{l}) = \mathcal{l}\)
Objectif
On veut montrer que \(f (\mathcal{l}) = \mathcal{l}\), autrement dit que : $$\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} f (u_n) = \mathcal{l} $$
Stratégie
On va calculer \(\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} f (u_n)\) de deux manières. La première nous donnera \(f (\mathcal{l})\) et la seconde \(\mathcal{l}\). On pourra conclure à l\'égalité par unicité de la limite.
Mise en forme
Premièrement, on rappelle que \(f\) est continue, et donc par définition : $$\lim\limits_{\color{red}{x} \rightarrow \color{blue}{\mathcal{l}}} f (\color{red}{x}) = f (\mathcal{l}) $$ et comme \(\color{green}{u_n}\) tend vers \(\color{blue}{\mathcal{l}}\), on traduit par : $$\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} f (\color{green}{u_n}) = f (\mathcal{l}) $$ | Puis on utilise la deuxième hypothèse : $$\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} u_n = \mathcal{l} $$ On ne change pas la limite en considérant \(u_{n+1}\) au lieu de \(u_n\), donc : $$\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} u_{n+1} = \mathcal{l} $$ D\'après la formule de récurrence, \(u_{n+1}=f (u_n)\), donc on réécrit : $$\lim\limits_{n \rightarrow +\infty} f (u_{n}) = \mathcal{l} $$ |
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$$ f (x) = \sqrt{2x+3} \text{ et } u_0=-1$$ | $$ f (x) = 1+\frac{1}{1+x} \text{ et } u_0=0,2$$ |
Exercice type (non découpé) :
Vérification des hypothèses de la propriété
Nous devons vérifier deux hypothèses :- La suite \((u_n)\) doit posséder une limite finie (admis dans l\'énoncé)
- La fonction \(f\) doit être continue
Application de la propriété
Les hypothèses étant vérifiée, en conclusion on a l\'égalité \(f (\mathcal{l})=\mathcal{l}\)Exploitation du résultat
L\'égalité nous fournit une équation d\'inconnue \(\mathcal{l}\), que nous allons tenter de résoudre : $$ \begin{array}{clll} & f (\mathcal{l}) & = & \mathcal{l} \\ \Leftrightarrow & 1 + \frac{1}{1+\mathcal{l}} & = & \mathcal{l} \\ \Leftrightarrow & (1+\mathcal{l}) + 1 & = & \mathcal{l}\times (1+\mathcal{l}) \\ \Leftrightarrow & 2+\mathcal{l} & = & \mathcal{l}+\mathcal{l}^2 \\ \Leftrightarrow & 2 & = & \mathcal{l}^2 \\ \end{array} $$Donc \(\mathcal{l} = \sqrt{2}\) ou \(\mathcal{l} = -\sqrt{2}\)
Mais comme, \(f\) est définie sur \(\mathbb{R}^+\) on obtient \(\mathcal{l} = \sqrt{2}\).